Jammes-Floreani Laurène
Massiot Pierrick
Mennecier Joseph
Wasielewski Cécile

Le Camouflage dans le milieu marin
Lycée de la Vallée de Chevreuse, TPE, 1ère S 3, 2009-2010

II. Homochromie variable

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Quelques définitions:

Céphalopode :
 mollusque dont le pied, divisé en tentacules, entoure la tête. Les céphalopodes sont des animaux exclusivement marins. Leur coquille peut être externe (ex : le nautile), interne (ex : seiche, calamar) ou absente (ex : poulpe, pieuvre). Ils dissimulent leur direction de fuite en crachant un nuage d’encre et ont aussi, en grande majorité, la capacité de changer de couleur.

Pigment :
 substance colorée naturelle ou artificielle. Dans la nature, les pigments peuvent être des constituants minéraux ou bien des substances organiques, présentes dans les cellules d’un organisme vivant, et donnant l'impression visuelle colorée.

Indice de Réflexion :
 rapport entre l'énergie rayonnante d'une surface réfléchissante et l'énergie rayonnante arrivant sur cette surface. Cette valeur est proche de 1 pour un miroir parfait et est égale à 0 pour un corps noir.

    L’homochromie variable désigne un changement de couleur en fonction du temps. De nombreux  animaux doivent être dans le bon milieu avec les bonnes conditions lumineuses pour que leur camouflage soit efficace. Cependant, d’autres ont la possibilité d’adapter à tout moment leur coloration. Quelques petits animaux marins comme la crevette en sont capables mais les céphalopodes (pieuvres, seiches, calamars ...) sont les principaux acteurs de ce type de camouflage dans le milieu marin. Nous allons  donc nous focaliser sur leur technique afin de l’expliquer. L'enjeu du camouflage pour ces animaux est très important puisqu’ils sont chassés par la plupart des carnivores marins, et que le camouflage est leur principal moyen de défense (voir unique). L’homochromie variable s'effectue en trois étapes, tout d’abord la perception du motif à imiter, ensuite l’analyse et la mise en place d’une réponse et enfin la modification effective de la pigmentation.
    Cette habileté à changer efficacement de couleur de tégument requiert un système visuel très efficace, qui peut rapidement analyser le motif extérieur à retranscrire. La vision joue donc un rôle clé. Il faut savoir que les céphalopodes sont daltoniens par rapport à leurs prédateurs (qui eux-même le sont par rapport aux humains), c’est à dire qu’ils ne distinguent pas les mêmes couleurs. Toutes les cellules visuelles sont  adaptées à la vision des nuances de gris, et perçoivent même de faibles intensités lumineuses (comme les bâtonnets de la rétine humaine et contrairement aux cônes). Les Céphalopodes restent donc capables d’analyser le support sur lequel ils doivent se fondre même aux faibles luminosités, alors même que leurs prédateurs distinguent mal les contours dans ces conditions. Les prédateurs s’en trouvent donc désavantagés.
    Une fois le motif à imiter perçu, des messages hormonaux (par le biais de l’hormone mélanotrope) ou nerveux sont produits à destination des cellules qui contrôlent la répartition des pigments. Le changement de couleur du tégument est dû à l’action d’organes spécialisés appelés chromatophores, qui couvrent tout le tégument (couche membraneuse recouvrant le corps) de ces animaux. Attention, chez les céphalopodes les chromatophores se présentent sous forme d’organes neuromusculaires et non de cellules, chez les autres animaux ce sont des cellules ramifiés généralement activées par contrôle hormonal. Les chromatophores contiennent de nombreux pigments très souvent divisés en trois classes : les rouges, les orange/jaune et les marrons, qui sont contenus dans le « sacculus cytoélastique ». Chaque animal possède des pigments différents, ceux de Loligo opalescens sont jaunes, rouges et marrons alors que Allofeuthis subulata n’a que les jaunes et rouges. Cependant ce sont majoritairement les pigments ommochromes qui sont produits (couleurs citées précédement). Les chromatophores sont entourés d'une trentaine de cellules musculaires, directement innervées par le cerveau : les cellules musculaires radiales. A  la perception d’un signal nerveux, ces cellules musculaires se contractent ou se décontractent, ainsi les chromatophores vont se dilater ou rétrécir ce qui va permettre le changement de couleur. Lors de la contraction, les pigments se concentrent au centre du chromatophore en formant une mini boulette très sombre, mais presque invisible, l’animal est alors de teinte claire. Au contraire, lors d’une décontraction les pigments s’étalent, formant une fine couche qui est visible et qui permet à l’animal d’adopter une couleur sombre. C’est en fait le sacculus cytoélastique qui voit sont volume augmenter ou diminuer. La vitesse d’expansion et de contraction des chromatophores est extrêmement variable. En effet, des facteurs comme la température ou le stress peuvent changer la qualité et la vitesse des changements.

    C’est ici un chromatophore du calamar Loligo opalescens qui est représenté. Selon les animaux, l'organisation des chromatophores varie. Ches Loligo opalescens, une cellule centrale contient les pigments, rassemblés dans un sacculus cytoélastique délimité par une membrane. Le cytoplasme qui entoure le sacculus cytoélastique contient les organites usuels d'une cellule animale, comme les mitochondries. La cellule centrale est entourée par des cellules musculaires radiales qui sont en contact avec les fibres nerveuses le long desquelles arrivent les messages nerveux. Chaque cellule musculaire radiale est innervée par une fibre nerveuse différente. En complément des fibres nerveuses il y a les cellules gliales qui sont alignées le long des fibres et qui facilitent le passage des messages.

    Cependant, l’action seule des chromatophores n’est pas suffisante, elle est combinée à l’action de cellules situées dans une couche en-dessous de ceux-ci : les cellules réfléchissantes. Ce sont des réflecteurs multicouches, qui, grâce à leur composition, peuvent réfléchir tous les types d’ondes et de rayons. Il en existe de nombreuses, comme les lipophores, leucophores ou encore les iridophores. Chaque animal utilise les cellules réfléchissantes à un différent niveau, par exemple les calamars n’utilisent que les iridophores. Ces cellules ont donc pour rôle de réfléchir la lumière. Elles contiennent de nombreux pigments (rouge, orange, jaune, vert et bleu brillant) et sont en général très petites (<1mm). Leur épaisseur est comparable à celle de la longueur d’onde de la lumière, ce qui est très important pour la qualité de la réflexion. Leur indice de réflexion est variable au même titre que la taille des chromatophores, cependant, un changement d'indice peut prendre de quelques secondes à quelques minutes. Jusqu’à ce jour, le changement d’indice de réflexion n’est pas clairement expliqué ; les cellules spécialisées contiendraient des protéines appelées « réflectines », et leur variation de structure ou d’épaisseur entraînerait le changement d’indice. La couleur du faisceau réfléchi varie avec l’indice.
    Il faut comprendre comment les cellules travaillent ensemble afin d’assurer un camouflage efficace. Les chromatophores ont, comme nous l’avons vu, la capacité de s’étendre ou se rétracter au-dessus des couches qu’ils recouvrent (qui sont donc les cellules réfléchissantes). De ce fait la lumière incidente sur les chromatophores est transmise des pigments aux cellules réfléchissantes, l’intensité de ce faisceau dépend du degré d’expansion du sacculus cytoélastique. Le faisceau va finalement être réfléchi par les cellules réfléchissantes ce qui va faire ressortir les chromatophores. L’apparence des animaux dépend donc des éléments du tégument touchés par le rayon incident. Ce sont les pigments rouges et jaunes des chromatophores qui transmettent une grande quantité de lumière, alors que les pigments marrons la bloquent et produisent un aspect beaucoup plus sombre. Ce sont donc les trois classes de pigments combinés avec une cellule réfléchissante qui permettent la production de couleur en transformant le spectre lumineux. La lumière peut donc être réfléchie par les chromatophores ou les cellules réfléchissantes, ou encore la combinaison des deux, ce qui va créer des couleurs que des cellules seules n’auraient pas pu produire. Dés lors, ce sont les changements physiologiques des chromatophores et des cellules réfléchissantes qui sont à l’origine de la malléabilité de la couleur du tégument.
    Les céphalopodes disposent d'un répertoire extensif de motifs pour se camoufler, leur système de camouflage doit être assez élaboré afin de leur permettre de passer inaperçu et de tromper les capacités visuelles des prédateurs. Les motifs utilisés peuvent être divisés en trois classes : les motifs uniformes, les motifs tachetés/marbrés et les motifs disruptifs. Les motifs uniformes caractérisent les milieux avec une faible variation de couleur, principalement du sable. Les motifs tachetés caractérisent un fond avec de fines taches de lumière et de larges taches foncées, s'apparentant à du gravier. Ces deux motifs sont basés sur le principe de la ressemblance avec le milieu (récifs coralliens, algues, ..). Les motifs disruptifs, quant à eux, représentent des zones parsemées de taches claires et sombres de taille, d’orientation et d’échelle très variables avec de forts contrastes. Pour ce dernier, plusieurs effets d’optique sont utilisés. L'un d'entre eux vise à dissimuler la forme reconnaissable de l’animal en obscurcissant ses contours (avec des rayures par exemple), un autre a pour but d’attirer l’attention des prédateurs sur un dessin avec une forte lumière plutôt que sur les contours réels grâce à un contraste entre ce dessin et la couleur générale de l’animal. Ceci suggère donc que les céphalopodes utilisent des signaux visuels très complexe afin de distinguer, à partir du milieu, l’utilisation d’un camouflage uniforme, marbré ou disruptif. Le tégument n’est d’ailleurs qu’un exemple de la rapidité de la coordination optique.

Les trois images représentent successivement les trois motifs possibles avec une seiche se camouflant dedans : le motif uniforme, tacheté puis disruptif.

   En plus du changement de couleur, les pieuvres et les seiches ont la capacité de changer la texture de leur tégument et de la faire apparaître en trois dimensions. En effet il est recouvert de papilles (alors que le tégument des calamars n’en a pas). L’animal contrôle la forme et le degré d’expansion de ses papilles. Il peut décider de ne pas les exprimer, le tégument apparaît alors lisse, ou alors de les étendre au maximum, le tégument apparaît alors rugueux. L’expression des papilles a une influence sur la manière dont  les bordures de l’animal sont perçues. Elles peuvent réduire le risque d’être vu à distance par les prédateurs en s’adaptant complètement à l’élément sur lequel l’animal est posé, on ne pourra plus distinguer l’animal de l’élément. Il faut noter que seuls les céphalopodes benthiques (vivant dans le fond des mers sans beaucoup se déplacer) peuvent ainsi changer la texture de leur tégument. En effet, le camouflage visuel a un rôle crucial pour les animaux benthiques alors qu’il n’est pas essentiel pour ceux vivants dans les grandes eaux.  La sélection naturelle en milieu benthique a favorisé les Céphalopodes munis de papilles.

Voici le tégument d’une pieuvre qui n’exprime pas ses papilles.
La pieuvre décide ensuite d’exprimer ses papilles, mais à un faible degré.
Et enfin, elle les présente avec un degré maximal.

    Pour se camoufler il existe donc un alliage de chromatophores, de cellules réfléchissantes et de papilles. Même si la lumière (et donc les chromatophores et réflecteurs) est beaucoup plus utilisée car elle permet de faire un contraste entre les lignes et la forme, les papilles jouent aussi un rôle important plus particulièrement dans les fonds uniformes et tachetés. L’homochromie variable est très importante pour les céphalopodes puisque la grande majorité de leurs prédateurs distinguent les couleurs. Dans les grandes profondeurs l’assortiment des couleurs avec le milieu est moins important puisque la lumière du jour est réduite aux parties bleues et vertes des spectres lumineux, le tégument apparaît donc moins brillant et moins coloré.

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