II. Fonctionnement de la bioluminescence
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Plusieurs scientifiques se sont intéressés aux principes de fonctionnement de la bioluminescence. Boyle (1667) puis Scheele et Priestley (XVIIIème siècle) ont démontré que le dioxygène était indispensable à la bioluminescence. En 1887, Dubois découvrit que la bioluminescence mettait en jeu trois composés : un composé organique oxydable qu'il nomma Luciférine, une enzyme spécifique qu'il baptisa Luciférase, et du dioxygène. Des recherches ultérieures révélèrent l'existence de nombreuses autres molécules oxydables pouvant émettre de la lumière. A chacune d’elles correspond une enzyme spécifique. Malgré cela, les termes de Luciférine et de Luciférase sont toujours employés pour les désigner. Pour résumer, c’est une réaction enzymatique qui est à l’origine de la bioluminescence.
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Luciférine : on constate que cette molécule comporte des liaisons doubles conjuguées, caractéristique fréquente dans les molécules pigmentaires. |
Structure tertiaire de la luciférase |
2.1 Les réactions impliquées dans la bioluminescence
La bioluminescence (ou bio-chimi-luminescence) résulte donc d’une réaction chimique qui a lieu dans l’organisme de certains êtres vivants. Elle est due à l’émission de photons par la luciférine, qui est excitée à la suite d’une réaction d’oxydation catalysée par la luciférase. Pour résumer, la luciférase, une enzyme, s’associe à la luciférine, le substrat. Ce complexe, lorsqu’il est en contact avec du dioxygène, forme un complexe d’oxyluciférine : on appelle cela une réaction d’oxydation. Ce complexe subit un transfert d’énergie, qui à son tour entraîne l’émission d’un photon, d’où l’apparition de lumière.
Il existe plusieurs types de luciférines, qui ont besoin de différentes luciférases pour réagir. On distingue donc :
- La luciférine bactérienne constituée d’une flavine (molécule organique) mononucléotide réduite (FNMH2) et d’un aldéhyde aliphatique.
- La luciférine des Dinophytes, qui est un dérivé de la chlorophylle.
- La luciférine de Cyprinidés appelée varuline, que l’on trouve dans certains Ostracodes (Crustacés dont le corps est entièrement enfermé dans la carapace) et poissons des profondeurs.
- La coelentérazine, trouvée chez certains poissons, calamars et petits crustacés.
La bioluminescence est également possible sans réaction chimique, avec les systèmes préchargés. L'émission lumineuse est provoquée par abaissement du pH ou par un afflux d'ions calcium. C'est le cas chez les méduses.
2.2 Structure des organes lumineux
Il faut savoir qu'il existe une très grande variété d'organes luminescents, au fonctionnement assez différent. Certains animaux ont des organes qui n’interviennent qu’une fois la lumière produite, d’autres animaux ont des organes à l’origine de cette création de lumière. Aujourd’hui, tous les types d’organes lumineux n’ont pas encore été découverts. Nous allons seulement étudier les principaux.
On distingue deux sortes d’organes bioluminescents :
- Les premiers sont des organes composés de glandes, spécialisés dans l’élaboration des produits nécessaires à bioluminescence, dans leur stockage et éventuellement dans le contrôle de leur réaction. Ce premier type d’organes peut encore être divisé en deux classes, ceux qui créent une bioluminescence extra-glandulaire et ceux d’une bioluminescence intra-glandulaire.
- Les seconds organes contiennent de nombreuses bactéries qui sont responsables de la bioluminescence.
A. La bioluminescence extra-glandulaire
Dans ce type de bioluminescence, les organes comportent des glandes, soit unicellulaires soit pluricellulaires, qui sont repérables dans des zones bien localisées. Dans ces glandes, on trouve des cellules qui produisent les composés nécessaires à la bioluminescence. Avant l'émission lumineuse, ces composés, jusque-là séparés selon leur nature dans des compartiments différents, s’échappent dans le milieu extérieur, c'est-à-dire l’eau de mer, et forment un mucus. Par exemple, lorsque le Lamellibranche Pholas dactylus est perturbé, les produits de sécrétion accumulés dans ses cellules glandulaires sont mélangés, en présence d’eau et forment alors le mucus lumineux.
Les animaux ayant une bioluminescence extra-glandulaire ne l’utilisent généralement pas à des fins de camouflage, mais plutôt pour créer une diversion en cas d’attaque. Par exemple, Heteroteuthis dispar laisse échapper une encre luminescente.
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Pholas dactylus | Heteroteuthis dispar |
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Formation du nuage lumineux du Heteroteuthis dispar |
B. La bioluminescence intra-glandulaire
Dans ce type de bioluminescence, la matière luminescente reste dans les glandes qui l'ont produite. Ces glandes contiennent des photocytes (cellules spécialisées dans la production de lumière). Ceux-ci possèdent une structure particulière destinée à contrôler et amplifier la luminescence : les photosomes, formés par les tubules du réticulum endoplasmique.
Figure 1. Schéma du système de production de la bioluminescence
(1)Photocyte, (2) Trachée, (3) Trachéole, (4) Nerf lumineux, (5) Cellule Trachéale
Détail de photocytes d'un insecte (présence de trachée)
La luminescence est liée à un changement de la perméabilité de la membrane du réticulum endoplasmique qui met en contact la luciférine et la luciférase. Les photocytes peuvent être soit répartis dans tout l'organisme (chez les méduses par exemple), soit regroupés dans des organes lumineux appelés photophores. En général les photophores se forment au niveau du tégument. Leur structure est assez complexe. Du côté interne, ils possèdent un réflecteur doublé extérieurement par une couche pigmentaire opaque qui réfléchit les rayons lumineux émis par les photocytes et les renvoie vers l'extérieur. La direction de propagation des rayons lumineux peut être contrôlée par une lentille de chitine (substance azotée) ou de protéine située dans l'ouverture du photophore. De plus la couleur de la bioluminescence peut être modifiée par un filtre coloré composé soit de cellules pigmentaires (filtre d'absorption) soit par de nombreuses couches réflectrices qui ne laissent passer que certaines longueurs d'onde (filtre d'interférence).
C. Luminescence par les bactéries
Lorsque l’organisme ne possède pas de photophores, ce sont les bactéries présentes dans l’organisme qui sont responsables de la lumière. Par exemple, Anomalopidae possède une paire d’organes lumineux sous la mâchoire inférieure, qui contiennent des bactéries lumineuses.
Anomalopidae
2.3 Contrôle des émissions lumineuses
Les facteurs influençant la luminescence des animaux sont variés et varient d’une espèce à une autre, mais on distingue cinq types de facteurs régulant les émissions lumineuses : les stimulations tactiles, la lumière, la température, le milieu ionique, et les contrôles neuromusculaires.
Premièrement, la stimulation tactile. Certains Anthozaires comme Pennatula et Renilla, ont des réactions lumineuses locales suite à un contact comme le courant ou le toucher. L’intensité et la taille de cette réaction sont proportionnelles à la force de ce contact.
La luminescence peut être influencée également par la lumière. En effet, certains animaux marins, exposés à la lumière, perdent leur bioluminescence, et c’est pour cette raison qu'ils ne sont visibles que la nuit.
On a découvert aussi que la température était parfois un facteur modifiant la sensibilité des organismes aux stimulations, notamment chez le Cténophore Mnemiopsis, la luminescence était perturbée par des changements brusques de température, mais qui se réadaptait par la suite.
Cténophore Mnemiopsis
La dernière technique de contrôle des émissions lumineuses est la plus répandue, la plupart des animaux bioluminescents, contrôlent leur organe responsable de ce phénomène de manière nerveuse, comme un muscle, soit en agissant directement sur la réaction productrice de lumière, c’est ce qu’on appelle alors le contrôle direct, soit en agissant sur des structures spécialisées agissant sur la lumière émise, c’est un contrôle indirect.
Pour le contrôle indirect on a par exemple le Photoblepharon qui a la capacité de faire pivoter ses photophores de 180 degrés, pour diminuer l’intensité de la lumière émise ou au contraire l’augmenter. Pour le contrôle direct, on trouve par exemple, le Téléostéen porichthys, dont les photophores s’allument sous l’influence d’une impulsion électrique.
Le milieu ionique influence également les émissions lumineuses, la présence d’ions potassium permet de déclencher les émissions luminescentes des Pelagias, Cavernularias (Cnidaires), certains Cténophores (Annélide), et les ions sodium les déclanchent chez le Chaetopterus (Annélide).
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Photoblepharon |
Chaetopterus |
Ainsi, la bioluminescence est très utilisée dans le camouflage marin, puisqu’elle concerne 95% des organismes vivant dans la mer, mais tous ne l’utilisant pas forcément pour se camoufler (elle leurs permet aussi de se repérer dans l’obscurité ou encore de s’identifier lors de l’accouplement). Elle a pour origine des réactions chimiques, plus précisément une réaction enzymatique. Au cours de ces réactions interviennent la luciférine et la luciférase, l’un étant l’enzyme et l’autre le substrat.
Cette bioluminescence est créée soit au niveau de cellules (les photophores), soit dans le milieu extérieur, c’est à dire la mer, soit par des bactéries. Enfin, ces animaux contrôlent le plus fréquemment leur émission de lumière par des messages nerveux, mais parfois cette émission peut être due à un contact, à la température ou encore au milieu ionique.
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